Le Prince Amir, bruits de comptoir

La taverne des Trois Couteaux par une fraîche nuit de printemps, une fine silhouette encapuchonnée vêtue d’une longue cape se détache de l’ombre pour s’approcher du comptoir. Le tavernier l’avait repéré dès son arrivée sur la grand place. Il l'avait vu se faufiler à travers les clients trop saouls pour lui prêter attention et elle se présentait maintenant face à lui :

“‘Soir ma p'tite, qu’est-ce que je te sers ?”

Après un bref moment d'hésitation, elle s’incline doucement et lui glisse quelques mots à oreille.

“Le Prince Amir ? Tu cherches le Prince Amir ? Avec ce sourire là ça m’étonne qu’il t’ait pas trouvé le premier. Alors pourquoi tu le cherches ? Ah on t’a dit qu’il t’aiderait ? Une jolie fille comme ça, pour sûr il va t’aider ! Tu veux savoir ce qu’on raconte sur lui ? La belle affaire, allez pose tes miches sur cette chaise, j’te sers un verre. ”

“On dit qu’il vient du Medjay, ouais ma p’tite, ce désert perdu remplis de trésors et de raclures en tous genres. C’est dans ce trou que se trouverait son palais. Me demande pas comment ils peuvent construire sur du sable, tout ce que je peux te dire, c'est que chez ces gens-là la solidarité est une tradition. Si, si, je t’assure, on peut se servir chez son voisin comme chez soi.  Et le Prince Amir, il paraît, il était si respecté que les caravanes traversant ses terres le couvraient d’or et de soie pour le remercier de sa bienveillance. Me regarde pas avec cet air ; autre monde autres coutumes.”

“Pourquoi il a quitté le Medjay ? Ah ma p’tite, tu touches un point sensible, crois moi si tu le veux, c’est par amour qu’il a quitté ses terres. Je vois tes yeux qui s’attendrissent, mais garde tes larmes pour la suite. Si l’on en croit les dires, il serait tombé sous le charme de la plus gracieuse des princesses des quatre sultanats. La famille de la d’moiselle n’a pas dû apprécier et elle serait venu demander des comptes, ah ça oui, faut pas boire le verre de thé avant d’y avoir été invité ! Et le voilà parti en quête de gloire et de territoires, pour l’acqué… heu… la conquérir. Mais en arrivant sur Kersik’al, il a appris le funeste destin de ceux restés sur Orya. Faut croire que son cœur s’est brisé à ce moment là - tiens prends ce mouchoir -  on dit qu’ensuite il aurait perdu la raison et qu’il verrait des princesses partout. Quoi ? Un joli cœur ? Ah ça oui, faut un bien joli coeur pour aimer autant une femme ? Hein ? Autant DE femmes ? Ah ah, on ne te la fait pas à toi !”

“Je vois à ta moue que tu commences à douter. Mais attends, laisse-moi te conter les exploits du Prince sur Kersik’al ! Je ne sais pas par où commencer, peut-être cette fois où il a tenu tête seul à une cohorte d’Eturiens ? Ou bien quand il a tiré des griffes d’un cruel ravisseur cette jeune diplomate ? Peut-être même quand il a démasqué et corrigé deux vils espions Shin ? Ou alors la fois où il a traversé seul un champ de bataille pour retrouver la danseuse à tête d’oiseau. Ah ouais c’est un bretteur de renom, on dit même qu’il fait jeu égal avec les plus grands... Pardon ? La danseuse ? Ah, oui, Maria... Bon, t’as gardé ton mouchoir ? Il lui arrive d’en parler après quelques verres, je crois qu’il s’était attaché à cette petite et depuis sa disparition il n’est plus le même. Dernièrement, on le voit encore flâner en ville mais c’est plus vraiment comme avant, lui manque quelqu’chose.”

“Je vois dans tes yeux qui brillent un peu de méfiance et de compassion. Ça y-est ? Tu t’es décidée à aller le trouver ? Bon alors va en direction du port du côté des quais, tu vas sûrement le voir sous sa tente en train de siroter un thé avec ses frères. Mais je préfère te prévenir, le Prince peut s’enflammer de nouveau à la moindre étincelle, une princesse avertie en vaut deux !”